Ce blog est un produit de la collaboration Ellichris. Merci à Camille pour la mise en forme

lundi 18 janvier 2010

La Bekaa

La route est visible, reconnaissable, légendaire, avec ses serpents lumineux qu'on voit grimper du coeur de Beyrouth le long des flancs de montagne. Vers l'Est, l'orient qui s'approfondit, l'intérieur des terres, la Syrie le désert.
Route stratégique, théâtre des affrontements, nerf de la guerre. Ce cordon partage Beyrouth en deux, puis plonge dans les hauteurs, et redescend vers la fertile plaine.
Elle est un risque en elle même cette route, asphalte en mauvais état, conduite incontrolée, ravins visités par les accidentés. Cauchemar qu'on ne peut éviter, chacun un jour doit traverser, passer le premier col, pour finalement être récompensé.

Un virage, et l'humide plaine se déploie. Anciennement marécageuse, les villages -qui abritent des vestiges racontant sa position déjà stratégique dans l'antiquité- grimpent sur les pentes pour rester hors de l'eau. Une vue incroyable de la route, sur la succession de virages et la profondeur de la vallée. Quelques panaches de fumées s'élèvent ajoutant à la difficulté de percer le voile de mystère. Alors qu'on descend se précise les contours, les motifs, les découpages de parcelles agricoles. Un air de campagne, mais une campagne qui parait meurtrie. Les herbes sont abondantes mais courtes, les arbres très rares. Des dizaines de kakis attendent d'être cueillis,-taches orange vif dans un verger marron et gris, mais ont déjà pourri.
Les murs sont aussi gris qu'ailleurs, de ce béton nu et froid, auquel n'échappent que les riches villas trop modernes pour la rusticité des lieux.
A Anjaar, village arménien, on nous offre le café sur une table en pierre posée dans l'arrondi de terre créé par le tournant d'une rivière. Alors que l'eau est chauffée sur une gazinière dans la maison, le repas mijote sur un feu de bois extérieur contenu entre des briques, surveillé par la femme du jardinier druze aux doigts amputés.

Puis nous nous dirigeons vers Quaraoun, lac créé suite à l'élévation d'un barrage. Nous sommes à quelques km de la Syrie, des cols de montagnes se dessinent, frontière naturelle, ligne immatérielle. On ne sait pas vraiment à qui appartient tel ou tel sommet enneigé.
Au bord de l'eau nous profitons du soleil qui a promis de disparaitre ces prochaines semaines. Nous nous asseyons sur les pierres cassantes, faisons des ricochés, écoutons les échos des coups de fusil des chasseurs alentour.

Au détour d'une route, en vue des sommets, ce pays est fascinant dans sa juxtaposition paradoxale de paysages, des vues splendides à coté d'ignobles batisses en béton et des traces d'une urbanisation galopante.

Mais rarement un terrain a été autant chéri par les habitants d'un pays, pour le sang qu'il a couté, les générations qu'il a nourries, la brèche qu'il a ouverte, les convoitises qu'il a inspirées, l'histoire qu'il a écrite...

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