Ce blog est un produit de la collaboration Ellichris. Merci à Camille pour la mise en forme

lundi 24 mai 2010

"el sôt el hawa"

On raconte une histoire à propos du Hermel, qui dit que durant le mandat français une dizaine d'hommes se réfugièrent dans cette montagne reculée afin d'échapper à l'hégémonie repandue sur le territoire. La légende raconte qu'on les retrouva morts, avec une inscription qui disait "ce n'est pas la faim, ni la soif, qui nous a tué, ce sont les cris du vent" ("sôt el hawa" en arabe)

Le trajet nous a pris quatre heures, avec des détours par des sources pures et très froides dans lesquelles nous avons plongé. Un trajet au milieu de paysages qui se vident, par une route surprenante, jusqu'à cette région reculée. Là plus rien, que qq tentes de jute montées par le propriétaire du gigantesque terrain classé réserve naturelle. Et le vent qui roule sur les pentes, les rochers, les sommets, déplaçant les nuages, emmêlant les cheveux ; criant aux quelques âmes présentes pour l'entendre l'histoire de ceux qui avaient cru leur son territoire. Un crépuscule et une aube. Des repas simples des produits de la montagne. Un véritable café (turc ou libanais selon les écoles) pris à 6h du matin avec les guides. Des conversations en arabe des enfants de la région qui en développent les activités mais en conservent les paysages.

Nous avons descendu la rivière en rafting, revenant progressivement le long de son cours à la civilisation. Mais la fraicheur et la transparence de l'eau rappelaient d'où elle venait, et le havre que nous venions de quitter.

mardi 11 mai 2010

autour des municipales

Des cousins, tantes et amis étaient rassemblés dans le salon, ça parlait politique (nous sommes en pleines élections municipales). On a tenté de me soudoyer : ma voix à Zahlé pour les forces libanaises aurait pu me rapporter 200$! Je n'y suis pas allée...mais la discussion était intéressante. Les motivations pour voter, choisir, s'abstenir ne ressemblent à rien de ce que nous connaissons : lui aura voté un tel parce qu'on l'aura payé, lui aura choisi le cousin de son oncle parce qu'il est le cousin de son oncle, elle se sera abstenu parce qu'on n'a pas fait assez vite les papiers de son fils. Chez moi tout le monde vote dans la montagne.

A Beyrouth, j'ai observé les festivités de la soirée électorale : musique à fond, feux d'artifice, et commentaires incompréhensibles en arabe littéraire jusqu'à une heure du matin dans des hauts parleurs qui étaient très proches. Et aussi des hordes de soldats déployés pour la sécurité...par groupe de 30 à chaque carrefour.

lundi 3 mai 2010

as a flower blossoms

On ne les voit pas, les buissons sont cachés, protégés des regards par leurs propriétaires. Mais dans les maisons, les fleurs fleurissent dans des bols, et embaument les appartements. On les offre le matin, pour qu'elles parfument leur porteur toutes la journée. Avce les premiers boutons de jasmin, des hordes de gardenias. C'est le parfum de mai, qui ne me quitte pas. Et les fleurs que je porte toujours dans les cheveux sont vraies, et fânent avec leur dernières effluves le soir posées sur la table de nuit.
Souvent les gens qui me parlent cherchent la source de l'odeur, soupçonnent mon parfum, jusqu'à ce que je leur révèle la petite fleur blanche qui depuis des heures me fait cadeau de son odeur.

lundi 26 avril 2010

La Sublime Porte

Vendredi 16 avril
Après une semaine de déboires je décolle enfin, il est 6h du matin, l'aube rose se lève sur Beyrouth, la nuit commence pour moi et se termine dans une heure et demi. Arrivée sur Istanbul tot dans la matinée. Aéroport qui fourmille, queue infinie à la douane... Là un visage connu.

Un bond hors du temps et du Liban, pour rejoindre des visages disparus depuis qq mois, dans des coins reculés. Un plaisir de voyager vers des nouveaux paysages et des anciens amis. 3 jours de bonheur. Des déambulations dans la ville, ses quartiers changeant, ses pentes, ses pierres, ses odeurs de poisson, son histoire et son présent. Accompagnée de connaisseurs, je ne me suis pas intéressée aux sentiers touristiques, ni aux monuments incontournables (que je ne contournerai pas en juillet). Cette fois c'était la ville vécue de l'intérieur, les commerçants turcs, les habitudes de qui a vécu là.

Il y a des liens aux gens qui deviennent exceptionnels par ce qu'on partage de rencontres dans des lieux incongrus. Paris, Beyrouth, Istanbul, Belgrade (?). Toronto, PAris, Istanbul [rencontre ratée!], Paris (dans pas si longtemps). Des amis qu'on voit peu, des histoires qui ne se promettent rien, des souvenirs qui tissent un futur qu'on souhaite pavé de retrouvailles. Et une foule de possibilités, une certitude incertaine, que des lieux aussi indéfinis soient ils nous verrons nous retrouver. Un gout partagé du voyage, de l'échappée, des fissures inattendues dans le quotidien...

vendredi 26 mars 2010

Raid des cèdres

Jusqu'à la dernière minute, on ne savait pas où on allait, ni comment y aller. Un point de rendez-vous culminant sur quelque sommet, du côté des cèdres (oui mais lesquels?). On savait ce qu'on allait faire : marcher.
Les indices dont nous disposions : une fréquence annuelle pour cet événement, une supposition qu'il y aurait de la neige, un liste de matériel, beaucoup de km, des organisateurs non civils. C'est tout.
Nous avons donc serpenté sur les petites routes de la Kadisha, serpentant d'autant plus que nous devions louer des raquettes pour la neige (qui pourtant semblait nous avoir fait faux bond) qu'il y aurait sur le chemin.
Jusqu'au dernier tournant, nous ne voyions rien. Que les pentes qui verdoient et le bleu du ciel dans lequel de blancs nuages courent.
Et tout à coup, un cèdre vert sur un fond blanc, encadré de rouge : un drapeau qui flotte au dessus de tentes dont je reconnais l'aspect : comme au Sénégal, surement des restes de l'armée française légués aux jeunes pays non équipés il y a de nombreuses années. Nous y sommes, toujours aucune trace de neige à environ 1400m d'altitude.
De grands buchers sont dressés à distance raisonnable des tentes, ils seront la lumière de la soirée, veillée durant laquelle on échangera avec les militaires qui ont grandi là et on goutera le pain encore fait à la main par leur maman.

Réveil 4h du matin, la nuit a été courte. Nous fixons nos numéros et nos raquettes sur les sacs à dos. Notre petite équipe est bien réveillée et impatiente de partir. Les bouteilles d'eau, les provisions, les pulls supplémentaires, les raquettes (surtout les raquettes) pèsent lourd.
5h : DEPART. Les militaires qui participent partent en courant, nous marchons d'un bon pas. Les 5 premiers km se font sur une piste tracée, pas un reste de neige. Les participants se déploient sur le flan de montagne, et cette file qui grimpe s'étire doucement et se brouille dans le lointain et la lumière grise du petit matin.
Petit à petit le dénivelé qui dure, et le soleil qui pointe un visage rosatre derrière le voile blanc du ciel et les montagnes environnantes nous font ranger un pull. Nous sommes mi mars, à plus de 1500m d'altitude, mais le col roulé est bien suffisant.
Le rythme est bon, le moral incroyable, le paysage qui nous entoure délicieux. On continue l'ascension. Ici et là on traverse des creux qui ont gardé un peu de neige. Juste de quoi avoir les pieds mouillés et ramasser de la boue qui glisse sous nos semelles. Petite douleur qui se promène dans les mollets, sac qui pèse un peu plus sur les épaules.
Au sommet (c'était un faux sommet, il a fallu monter encore après), la vue et le vent nous coupe le souffle. La course nous attendra, on savoure ce moment et la petite pause qui l'accompagne. Sur l'autre versant, il y a plus de neige, mais toujours pas assez pour nous convaincre de chausser les raquettes.
Il y a eu encore deux longues montées (plus tard, il a été déduit que nous avons eu affaire à quelques 1000m de dénivelé positif). Mais surtout une descentre, sur une pente venteuse mais à l'abri du soleil. Je l'ai dévalé en m'enfonçant dans la neige plus haut que les genoux. J'ai récolté là quelques dernières miettes d'hiver, des rappels d'après midi canadiennes...
Au final, 6h et 18km plus tard nous sommes arrivés en bas sous un soleil radieux. Nous avions couvert à pieds la distance entre la forêt de cèdres de Tannourine et celle de la réserve qui a donné son nom au village : Les cèdres. Point de départ et d'arrivée symbolique, vous comprendrez que les libanais aiment leur arbre.

jeudi 18 mars 2010

Un des derniers matins de pluie

aujourd'hui je rêve de Paris, la pluie d'ici y ressemble un peu. j'ai en tête les chansons qui parlent de la belle ville. Il me semble que le temps passe très vite, et déjà Beyrouth se termine. Je suis à une cinquantaine de pages de la fin de mon projet. Dans ma tête je suis prete à voyager. Les étapes ont été avalées, il ne reste qu'une longue ligne droite. Il est dit que je rentrerai, avant ça plus rien de semble exister. Aujourd'hui s'ouvre la parenthèse...

mardi 9 mars 2010

Le Khamsin

Depuis hier une chaleur accablante s'est abattue sur Beyrouth et les montagnes environnantes. Le soleil qui brillait dimanche, alors que nous observions la mer s'est progressivement laissé avaler par un ciel d'une blancheur éblouissante. On croirait que la neige arrive si on observe de l'intérieur cette couleur uniforme. Mais quand la porte s'ouvre, ce n'est pas la douce blancheur qui virevolte, mais un sable si fin qu'il est invisible et pique les yeux sans y laisser de trace.
Les rafales sont celles d'une tempête, mais la fraichur est à l'abri du vent. Le vent, lui, brûle, chauffe et étouffe par sa force, sa densité et sa chaleur.
C'est le Khamsin arrivé du désert, qui souffle sans répit depuis hier, remplissant les creux entre les pierres de cette poussière qui s'accumule d'habitude moins rapidement et emmenant dans ses rafales les meubles d'extérieur.
L'odeur même mélangée aux effluves de la ville rappelle le sahel et ses parfums uniformes de sable chaud. Et la ville semble emmurée dans un air poussiéreux et gris.