Ce blog est un produit de la collaboration Ellichris. Merci à Camille pour la mise en forme

vendredi 26 mars 2010

Raid des cèdres

Jusqu'à la dernière minute, on ne savait pas où on allait, ni comment y aller. Un point de rendez-vous culminant sur quelque sommet, du côté des cèdres (oui mais lesquels?). On savait ce qu'on allait faire : marcher.
Les indices dont nous disposions : une fréquence annuelle pour cet événement, une supposition qu'il y aurait de la neige, un liste de matériel, beaucoup de km, des organisateurs non civils. C'est tout.
Nous avons donc serpenté sur les petites routes de la Kadisha, serpentant d'autant plus que nous devions louer des raquettes pour la neige (qui pourtant semblait nous avoir fait faux bond) qu'il y aurait sur le chemin.
Jusqu'au dernier tournant, nous ne voyions rien. Que les pentes qui verdoient et le bleu du ciel dans lequel de blancs nuages courent.
Et tout à coup, un cèdre vert sur un fond blanc, encadré de rouge : un drapeau qui flotte au dessus de tentes dont je reconnais l'aspect : comme au Sénégal, surement des restes de l'armée française légués aux jeunes pays non équipés il y a de nombreuses années. Nous y sommes, toujours aucune trace de neige à environ 1400m d'altitude.
De grands buchers sont dressés à distance raisonnable des tentes, ils seront la lumière de la soirée, veillée durant laquelle on échangera avec les militaires qui ont grandi là et on goutera le pain encore fait à la main par leur maman.

Réveil 4h du matin, la nuit a été courte. Nous fixons nos numéros et nos raquettes sur les sacs à dos. Notre petite équipe est bien réveillée et impatiente de partir. Les bouteilles d'eau, les provisions, les pulls supplémentaires, les raquettes (surtout les raquettes) pèsent lourd.
5h : DEPART. Les militaires qui participent partent en courant, nous marchons d'un bon pas. Les 5 premiers km se font sur une piste tracée, pas un reste de neige. Les participants se déploient sur le flan de montagne, et cette file qui grimpe s'étire doucement et se brouille dans le lointain et la lumière grise du petit matin.
Petit à petit le dénivelé qui dure, et le soleil qui pointe un visage rosatre derrière le voile blanc du ciel et les montagnes environnantes nous font ranger un pull. Nous sommes mi mars, à plus de 1500m d'altitude, mais le col roulé est bien suffisant.
Le rythme est bon, le moral incroyable, le paysage qui nous entoure délicieux. On continue l'ascension. Ici et là on traverse des creux qui ont gardé un peu de neige. Juste de quoi avoir les pieds mouillés et ramasser de la boue qui glisse sous nos semelles. Petite douleur qui se promène dans les mollets, sac qui pèse un peu plus sur les épaules.
Au sommet (c'était un faux sommet, il a fallu monter encore après), la vue et le vent nous coupe le souffle. La course nous attendra, on savoure ce moment et la petite pause qui l'accompagne. Sur l'autre versant, il y a plus de neige, mais toujours pas assez pour nous convaincre de chausser les raquettes.
Il y a eu encore deux longues montées (plus tard, il a été déduit que nous avons eu affaire à quelques 1000m de dénivelé positif). Mais surtout une descentre, sur une pente venteuse mais à l'abri du soleil. Je l'ai dévalé en m'enfonçant dans la neige plus haut que les genoux. J'ai récolté là quelques dernières miettes d'hiver, des rappels d'après midi canadiennes...
Au final, 6h et 18km plus tard nous sommes arrivés en bas sous un soleil radieux. Nous avions couvert à pieds la distance entre la forêt de cèdres de Tannourine et celle de la réserve qui a donné son nom au village : Les cèdres. Point de départ et d'arrivée symbolique, vous comprendrez que les libanais aiment leur arbre.

jeudi 18 mars 2010

Un des derniers matins de pluie

aujourd'hui je rêve de Paris, la pluie d'ici y ressemble un peu. j'ai en tête les chansons qui parlent de la belle ville. Il me semble que le temps passe très vite, et déjà Beyrouth se termine. Je suis à une cinquantaine de pages de la fin de mon projet. Dans ma tête je suis prete à voyager. Les étapes ont été avalées, il ne reste qu'une longue ligne droite. Il est dit que je rentrerai, avant ça plus rien de semble exister. Aujourd'hui s'ouvre la parenthèse...

mardi 9 mars 2010

Le Khamsin

Depuis hier une chaleur accablante s'est abattue sur Beyrouth et les montagnes environnantes. Le soleil qui brillait dimanche, alors que nous observions la mer s'est progressivement laissé avaler par un ciel d'une blancheur éblouissante. On croirait que la neige arrive si on observe de l'intérieur cette couleur uniforme. Mais quand la porte s'ouvre, ce n'est pas la douce blancheur qui virevolte, mais un sable si fin qu'il est invisible et pique les yeux sans y laisser de trace.
Les rafales sont celles d'une tempête, mais la fraichur est à l'abri du vent. Le vent, lui, brûle, chauffe et étouffe par sa force, sa densité et sa chaleur.
C'est le Khamsin arrivé du désert, qui souffle sans répit depuis hier, remplissant les creux entre les pierres de cette poussière qui s'accumule d'habitude moins rapidement et emmenant dans ses rafales les meubles d'extérieur.
L'odeur même mélangée aux effluves de la ville rappelle le sahel et ses parfums uniformes de sable chaud. Et la ville semble emmurée dans un air poussiéreux et gris.

lundi 1 mars 2010

anecdote libanaise

Une soirée de novembre, alors que Jamil me faisait découvrir un petit bar bien caché de Hamra et que Christophe renouvelait un peu trop souvent les verres vides sur la table, j'observais la salle dont la densité d'occupation était parfaite : pas une table vide, mais pas un espace trop plein.
Juste derrière nous se trouvait un homme et une jeune fille qui discutaient avec une apparente complicité chacun sur son tabouret et dans une distance toute honorable. Plus la soirée avançait, plus mes pieds me démangeait de me lever et danser, plus les clients de la table de derrière se parlaient dans l'oreille, plus les sourires fleurissaient qui disaient le bien-être de chacun et la détente qui régnait.
Je ne sais plus quelle chanson avait opéré le charme, mais finalement moi et les voisins de la table d'à coté, plus ou moins au même moment nous étions mis à danser. Causant après ce qui avait duré qq minutes un échange de sourires et de compliments, quelques paroles, et de nouveaux prénoms.
Alors que nous partions, ils étaient encore à la même table, assis cette fois du même coté, sur le meme tabouret.
Lui, je l'ai revu souvent, alors qu'Eli mon ami barman me présentait à ceux qui peuplent sa vie (autres barmen, serveurs, et habitués de la nuit beyrouthine). Il parait qu'il travaille dans un bar de Hamra que j'ai découvert beaucoup plus tard. A chaque fois un salut chaleureux quelques mots échangés...Banalité de petite ville, où l'on revoit les gens au hasard et où les visages deviennent très vite familiers.

Elle, jamais recroisée. Jusqu'au weekend dernier. J'étais dans ma chambre en train de lire après un repas du dimanche, familial comme à l'accoutumé. J'entends une nouvelle voix, des salutations qui fusent de la demi douzaine de personnes présentes au salon. Laissant mon livre, je passe la tête dans l'embrasure de la porte et entreprends de diriger mes salutations vrs les nouveaux arrivants. Lui : mon cousin éloigné que j'avais parfois croisé. Elle a priori une inconnue, dont le visage me dit quelque chose et dont la voix m'avait interpelée. Un regard, deux regards, enfin je la reconnais : la même fille que celle du petit bar! Sourire en coin, je la vois se tordre les mains.
Quand ma tante nous présente, je reste silencieuse, mais c'est elle qui dit "oui oui on se connait". Erreur, elle va devoir expliquer. Elle s'emmêle dans des dates, des accompagnateurs... Elle a rencontré mon cousin en novembre, et lui a l'air d'un homme assez jaloux. Aujourd'hui il vient la présenter officiellement à la famille Ca sent le mariage.
J'ai orienté la conversation sur combien ma soirée était déjanté pour éviter de parler de la sienne...Le subterfuge a fonctionné.
Décidément ce pays est trop petit pour garder ces mentalités. Et c'est un peu effrayant de voir comme il est facile de calomnier quelqu'un, si on en a envie...