Ce blog est un produit de la collaboration Ellichris. Merci à Camille pour la mise en forme

mercredi 30 septembre 2009

hors rythme

Selon la dépendance aux voitures, les horaires des autres, et ma tendance à me lever toujours trop tôt, j'ai adopté ici un rythme particulier. Je me lève avec le soleil à 6h du matin, quelques minutes sur le balcon a respiré l'air matinal avant embouteillages. Puis en silence je me prépare à partir. Rues vides, calme tout relatif, mais calme quand même. A 7h je suis au travail, productive pendant les premières heures de la journée, comme toujours (qu'elles soient entre 3 et 5h, 5 et 7h ou 7 et 9h).
Je peux rentrer tôt, dès que j'en ai marre ou que je suis trop fatiguée, souvent vers 17h. Rentrer ou juste partir, me perdre dans les rues dont je ne comprends toujours pas les virages et entremêlements. Profiter de l'été qui s'étale, du soleil, et de la marche solitaire. Penser à ces vendredis que je pourrai chômer pour aller ici ou ailleurs. A ces jours entiers où je m'absenterai pour être présentes auprès de potentiels visiteurs.
Rêvasser avant de devoir être présente, aux aguets pour comprendre ces conversations en arabe qui fuseront dans le salon familial.
Je fais des longues journées, qui me laissent pourtant le temps le soir. Je lis beaucoup, avance dans L'Usage du Monde et mes envies de voyages identiques. Le temps est incroyablement multiplié quand on se lève tôt.

Hier je me suis endormie dans la soirée, une heure d'oubli et d'absence, qui m'a rouvert un monde que j'avais oublié dans ce rythme solaire: la nuit. Diner pas si tardif. Puis coup de téléphone. A 23h, je me glisse hors de l'appartement, hors de son rythme réglé, pour au hasard tenter de trouver un moyen de me rendre au lieu de rendez vous. La ville ne bouillonne plus bien qu'elle continue de ronronner d'une agitation périphérique. J'arrive à destination. Longues heures de discussion sur une terrasse d'immeuble moderne qui surplombe des batiments plus anciens. Un sentiment de liberté insufflé par le vent qui se lève enfin pour rafraichir les pierres chauffés à blanc dans la journée. Des bruits habituels ne parviennent que les cris des chats. Jamais je ne me suis sentie plus loin de la ville qu'en haut d'une de ses tours si citadines.

Puis vient l'heure de rentrer, une autre marche dans les rues qui se sont encore enfoncées un peu dans le sommeil. L'absence de fatigue, l'insomnie qui guette...endormie finalement par la quiétude de ces heures de noctambulisme.

Réveil moins matinal.

Je me refuse à battre la mesure.

lundi 28 septembre 2009

d'après les experts

"ce document met l’accent sur d’autres secteurs comme ceux de Rmeil,
Kantari, Tallet Druze, Gitawi… (Fig. 5.18), situés dans la partie Nord et au centre de Beyrouth-Municipe, ils ont la densité la plus élevée. Dans une situation à mêmes flux routiers, ces quartiers sont aptes à la stagnation des polluants atmosphérique"

Gitawi, jeitaoui, geitaoui...c'est là que je vis.

As experts say :
"this documents highlights other parts of the city such as Rmeil, Kantari, Tallet Druze, Gitawi...Located in the North and in the Center of Beirut. These have the highest building density. Not far from roads and streets flows, those areas are subjected to stagnation of atmospheric pollutants."

Gitawi...Did I mention that's where I live?

A l’image de l’auteur, décrivez un lieu qui vous tient à cœur.

Je me souviens que c’était le sujet de rédaction du brevet blanc, appuyé sur un texte parlant de Marseille à propos duquel je venais de discuter le chauvinisme de l’auteur. Ce sujet m’avait déstabilisé : ma maison elle n’avait rien d’exotique, et à part ça, aucun lieu n’avait suffisamment été balayé par un regard émerveillé, pour comme l’auteur m’être familier et aimé. J’avais pensé inventer, ou mentir, mais ne pouvais rien imaginer tel un attachement à la terre.

Alors j’avais cherché un attachement à des souvenirs, à revêtir d’un regard merveilleux et à ancrer dans un lieu alors devenu féérique et donc aimé. J’avais en tête un réveil matinal, où me glissant hors du lit dans ma chemise de nuit blanche à l’ancienne (prêtée dans l’improvisation de cette visite), je m’étais rendu sur le balcon baigné d’une aube chaleureuse. J’avais six ans, et j’ai peut être acquis de là mon amour pour le petit matin.

En plus de la lumière orangée, du fond de l’air frais sentant le pin, j’avais trouvé ma grand-mère et une demi-douzaine de chats. Elle était déjà en train d’anticiper notre réveil en épluchant les pêches fraichement cueillies donc nous raffol(i)ons tant. Les quelques uns des chats sauvages à mon approche s’étaient enfuis, les trois douces fourrures de la maison n’avaient pas bougé. Et c’est cette image que j’ai gardé, autour de laquelle j’ai reconstruit une terrasse, une maison, un verger, un village, une montagne dans ma rédaction. Instant doux surpris et rendu à l’existence, alors que je devais dormir encore.


J’étais là-bas ce weekend. Est-ce ma conscience d’environnementaliste, mon regard plus agé, un changement réel ? L’air avait perdu son odeur. Si la terrasse, la maison et le verger n’ont pas bougé. Village et montagne ont disparu, que dire de la forêt de pins. C’est une toute autre vue qui s’est offerte à moi. Gaz d’échappement, urbanisation, bruit, ciment. Autour des qq maisons en vieilles pierres ont poussé des villas neuves et lisses. Le paysage accidenté et caillouteux qui paraissait si naturel et attrayant donne l’impression d’un chantier de démolition. Comme si chaque bloc calcaire qui s’élevait là avait été pulvérisé dans l’intention prochaine d’aplanir le terrain. L’ambiance de village a disparu, conquise par la ville, les citadins en exil, les grosses voitures.

C’est Beyrouth qui continue à grimper sur les pentes…C’est l’immobilier qui flambe. C’est les interdictions de construire qui sont recouvertes de billets verts.

La montagne est belle et morte et la ville la mange.

jeudi 24 septembre 2009

Let's pin split-black ribbon to your overcoat

Goudron de routes grimpantes, petites églises. Des hommes et des femmes agglutinés aux vitraux, qui regardent interminablement de leurs costumes noirs le blanc qui émane du lieu. Maisonnettes en vieilles pierres rassemblées autour des croix qui dépassent les toits grimpées sur leur clocher. Odeur de terre lourde, et de gateau chaud ; de vide et de vie. Intérieur douillet de voutes anciennes entre-aperçu par une porte ouverte, indifférence au malheur qui se déroule en cortège derrière la boite en bois. Des inconnus, qui voient passer ces hordes de proches, amis, et autres juste polis. Deux mondes qui se côtoient le temps d'un après midi : l'un en noir et blanc. Le blanc des fleurs en couronnes qui auraient ornées le plus heureux mariage, le blanc des sièges, des murs, de la pièce baignée d'un soleil éblouissant. Le noir des cernes des veilleurs, des habits, des cheveux, de l'atmosphère, le noir des yeux méditerranéens dans lequel on plonge nos condoléances. Un contraste terrible et décalé, qui fait frissonner.
L'autre monde en couleurs, qui incarne l'odeur du thym, la légerté de la montagne libanaise, le soleil adouci de son aura venteuse sur ces pentes qui convergent dans les vertes vallées. De noires silouhettes s'échappent un instant des longues heures pesantes et sombres, âmes folâtres dans ces paysages d'un temps heureux, d'un autre calme.

L'échappée est courte, bientôt on les voit se pencher sur une autre pierre noire du cimetière.

A 21 ans, j'ai assisté à mon arrivée à mon premier enterrement. Je ne sais comment j'ai été protégée de cela jusqu'à aujourd'hui. Ici. Une cousine proche de ma mère que je n'ai pas connue, j'étais porteuse d'un message, d'une vraie douleur de ne pouvoir être là. C'est cela aussi vivre loin de sa famille. J'ai vécu cette longue après midi entre les deux mondes entremêlés décrits ci dessus. Je ressemble tant à ma mère avant qu'elle parte en France qu'ils ont un instant cru qu'ell était là, sauf pour l'âge...cette pensée a fait naître des sourires sur les visages en deuil.

mardi 22 septembre 2009

diaporama d'arrivée

L'arrivée, moment si spécial dans un voyage. On ne sait rien mais tout est à saisir. Je suis arrivée ici souvent, et pourtant, cette fois, mes pensées ont été bien différentes.

La mer. Home. I don't speak arabic yet (comme si le penser en anglais allait m'excuser). Combien de fois j'ai pris cet escalator? Ces visages me disent quelque chose.

Tout est si familier, et pourtant je suis si perdue. D'abord c'est triste, ça pousse à l'action ; puis ça effraie. Cette distance que j'ai à ce monde, je saurai la combler? La traverser?

Et des dizaines de petites raisons de sourire, de petits traumatismes (décrocher le téléphone à l'appart' et ne pas être connue de l'interlocuteur, ridiculement épeler son numéro de portable en arabe, suivre le journal télévisé en ne comprenant que des mots comme "grand", "Israël", "aller", "Il y a",...)

Depuis 14h, j'assiste au zapping le plus troublant du monde. Mon esprit ne reste sur rien. J'ai les pensées qui titubent...



Majid don't use google translation! Here you are ;)

Arriving is always a very special moment. You don't know anything but you have to get everything right away. Overwhelming flow of information! I arrived here more than once, but this time my thoughts were quite different.

Sea. Home. I don't speak arabic yet (as if thinking in english was an excuse for not mastering the other language). How many times did I climb up these mecanic stairs? It's not the first time I see these faces...

Everything's so familiar, but I'm so lost. At first it makes me sad, and makes me want to act against it ; then it gets frightenning. Will I be able to bridge the gap between me and this world? Then cross the bridge?

And tens of small reasons to smile, and tiny traumatisms (answering the phone and not being identified, spelling my phone number in an approximative arabic, following the news on TV and only getting words such as "huge", "Israël", "going", "there is"...)

Since 2pm I've been watching a continuously spinning carousel of short-lived images. My thoughts aren't walking straight...

jeudi 17 septembre 2009

Bienvenus ici, là-bas, partout et nulle part

Situation géographique 1 : the wild wild web (nulle part)
Bienvenus sur cette page. Un blog, parmi tant d'autres, qui rappellera à certains une autre adresse identique [ http://www.roadtotoronto.over-blog.com/ ]. Le décor est planté : adresse (une route vers un ailleurs), couleurs (ce orange qui traine),... Tout n'est pas nouveau, c'est une expérience déjà tentée, il y a un précédent. Garder une unité. Mais aussi changer. En ce lieu, c'est le défi qui m'incombe : des méthodes antérieures, des textes et des styles, je garde le facteur premier de changement : la spontanéité dans l'écriture et les sujets.

Situation géographique 2 : de France (ici)
Bienvenus chez moi d'où j'écris ce message introductif pour vous faire parvenir cette page à tous, sans oublier personne, et avant que je parte.

Situation géographique 3 : Liban (là-bas)
Bienvenus à bord de cet étrange navire métaphorique dans lequel vous dériverez avec mes pensées.
Je repars...enfin, je continue à partir. Paris Toronto, Toronto Paris, Paris Dakar, Dakar Paris, Paris Beyrouth....et le futur. (partout)
J'ai failli appelé cette page roadstonowhere, du nom d'une chanson que j'aime beaucoup (in the moonshine sessions). C'était à la fois présomptueux et insultant, puisque si ma destination n'est pas quelque chose c'est un "nulle part"...Pays d'origine, pays étonnant, connu à apprivoiser, inconnu à découvrir. Ce n'est pas un retour aux racines, c'est un face à face : avec mon ambivalence, avec mes préjugés, avec ce qui a longtemps était du dédain, et une absence totale d'attachement à ce qu'est le Liban. Et il y aura d'autres voyages, une vie entière further down the road to nowhere : c'était brûlé cette cartouche là trop vite.

et le choix du Liban c'est aussi un hommage à une citation qui est à l'origine de cette année :
"rien n'est plus proche de nous que l'inconnu, bien qu'à notre idée il n'appartienne qu'aux plus lointains rivages"